Tout commence dans la rue, avec ce chien noir qui s'appuie un peu
trop sur la jambe des enfants. Primo, gosse lui-même, en conçoit une légitime frousse et change de parcours. Il aime marcher, ses «jambes étaient nerveuses comme l'index d'un tireur d'élite». Alors il trouve un détour hors la ville et marche, creuse une espèce de tunnel dans l'herbe, long de deux ou quatre kilomètres, où il déroule des centaines de pas pour mieux dérouler ses pensées «ou sans penser à rien, ce qui veut dire en réalité penser à mille chose sans importance».
Primo marche. Son père travaille, prie, fume, boit et vole aussi, puisque c'est nécessaire. Mais ce fier escamoteur de lierre et de tomates, qui accessoirement tond les gazons honnêtes, a un rêve: faire pousser cent rosiers. Il a les graines, le terreau et les pots. Cent pots qu'il sort et rentre deux fois par jour. Son gamin l'aide, et ensemble le soir ils discutent le bout de rêve ou prient Dieu qui est la chance, que les roses viennent belles et hautes, qu'on ait de l'argent pour les factures, pour la casserole.
Ces rêves qui n'arrivent jamais comme ils devraient, soit coupés par EDF, soit pris la main dans le sac. Rêves de rien du tout qui prennent une importance édifiante, car Mingarelli a une imagination de gamin juchée sur des épaules d'homme, qui voit plus loin. De chaque phrase on se demande si c'est du sucre ou du sel, quoiqu'on en savoure toujours l'arrangement. Comment manger une tomate devient une aventure criminelle, comme faire u