De quel conflit proviennent les images réanimées par la lecture de Fils de guerre? Délations, famine, exécutions sommaires, champs de mine, cadavres, débâcle. Ces horreurs rappellent le Rwanda, la Bosnie, le Kosovo. Or, Fils de guerre n'est pas un récit historique mais une fiction. Mieux: c'est le roman d'une guerre qui n'a jamais eu lieu, dans un pays qui n'existe pas. Le destin de Jozef se tisse dans ce seul contexte. On ne saura rien de sa vie d'avant. Sa vie d'après se joue au «camp de réfugiés de S"», il n'est pas encore question de paix. Commence alors un récit a posteriori composé en partie d'«enregistrements» recueillis par un narrateur dont l'identité n'est pas précisée. Jozef les lui livre «sans se soucier de la cohérence, comme si son existence était brisée en milliers de morceaux qu'il était incapable de recoller».
Jozef a 12 ans lorsque sa mère accouche d'une fille, Nahalia, dont le bras gauche est recouvert d'une «tache large, violette, presque noire, comme un gros nuage d'orage». C'est un mauvais présage. Les habitants accusent désormais «la Tachée» d'être à l'origine de toutes les calamités qui frappent leur communauté. La guerre se déclare. Dans le village comme dans le pays. L'ordre de mobilisation vient cueillir tous les «fils de guerre». D'abord, «chaque homme valide âgé de 18 à 45 ans». Puis les plus jeunes, tel le frère de Jozef, Tadéus, 15 ans («un enfant d'un mètre quatre-vingts, sourit l'officier, c'est exactement ceux dont la mère patrie a besoin.»)