Comment regarder sans malaise ce Dialogue de «vaincus» (1), sur quoi
une demande d'interdiction, vainement initiée en référé par de fantomatiques ayants droit, a récemment jeté un promotionnel coup de projecteur? L'ouvrage collectionne les entretiens que Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau eurent tout loisir de mener durant l'année 1950 à la centrale de Clairvaux où, condamnés à mort en 1946, ils purgeaient et assez confortablement, ma foi une peine commuée cinq mois plus tard en perpétuité (de fait, Rebatet sera libéré en 1952 et Cousteau en 1954.) Etabli par leurs soins, le texte fut remis à Daniel Guérin, historien de l'anarchisme, par Pierre-Antoine Cousteau (2), sous condition expresse de ne pas le publier du vivant de son océanographe de frère Jacques-Yves, alias le Commandant. Présenté et annoté par Robert Belot (3) dans une collection dirigée par Pierre-André Taguieff, il paraît dans une petite maison qui a notamment publié cette année L'Antisémitisme de plume, une somme remarquée.
Ces données succinctement rappelées, il faut bien se demander à quelle nécessité répond la publication des «vérités rescapées», comme ils disent, de deux pro-nazis notoires qui, ayant sauvé l'essentiel leur peau, les livrent avec une brutalité qui n'apportera rien aux historiens et peu aux psychologues. Et quoi donc à la littérature, dont il serait ici question, sous prétextes que Lucien Rebatet fut l'auteur, en 1942, du best-seller antisémite les Décombres, que Cousteau le rencon