Notre pays a toujours entretenu d'étranges rapports avec le
phénomène de la science-fiction. Jules Verne et Méliès en ont été les pionniers, surtout vénérés aujourd'hui de l'autre côté de l'Atlantique. Les éditeurs se sont pourtant acharnés à faire connaître en traduction les maîtres anglo-saxons, au point que, durant les années soixante-dix, la France est devenue un pays de cocagne pour des auteurs qui, tel Philip K. Dick, auraient connu la misère sans leurs lecteurs français. Puis, peu à peu, passant de mode, le genre s'est replié sur lui-même, les lycéens lisent les Chroniques martiennes de Bradbury, romancier consensuel dont l'auteur du présent guide se demande «s'il aura été un bien ou un mal pour la science fiction». Ce domaine le plus avancé de l'imaginaire romanesque s'est vu souvent reprocher sa frivolité, son extravagance, et, en cette fin de siècle, n'est-ce pas précisément ce qui fait encore sa force et sa beauté? Lorris Murail est un parfait connaisseur d'une forme qu'il a lui-même pratiquée avec un certain bonheur, et il fait de son livre un voyage passionnant à travers les divers espaces de l'imaginaire spéculatif, grâce à un fourmillement d'illustrations propres à en montrer l'étendue fascinante. C'est en effet par l'image que le genre s'est, à tous les stades de son évolution, habilement libéré de l'effarant danger qui le guettait sans cesse: voir ses anticipations rattrapées par une réalité galopante, bien sûr gênante. Par chance, l'invention et le talent d