Les Dessins secrets d'Eisenstein ont pour premier mérite d'ouvrir au
public un pan de la vie du cinéaste qui correspond enfin à ce qu'on sait de sa biographie officieuse. Génie ambigu, écartelé entre les injonctions de la propagande stalinienne et ses propres pulsions créatrices, le cinéaste éruptif, polyglote, immensément cultivé et protéiforme, n'a cessé, toute sa vie durant, de dessiner. Pour les besoins de ses films d'abord, dont il traçait les moindres plans, ébauchait les costumes, esquissait les décors. Mais surtout pour lui-même, maculant inlassablement les pages de ce qu'on peut aujourd'hui feuilleter comme un journal intime et parallèle. Cette frénésie graphiste éblouissante frisait parfois la pathologie: «En une nuit, bloqué à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, il aurait exécuté 200 dessins pour Macbeth», nous apprend-on en introduction.
La sélection faite par Jean-Claude Marcadé et Galia Ackerman parmi ces Dessins secrets enfin accessibles suit Eisenstein à la trace du début des années 30 jusqu'en 1948, année de sa mort. D'une cochonnerie échevelée et d'un humour permanent, les dessins d'Eisenstein célèbrent systématiquement l'emboîtement, la compatibilité panthéiste et universelle des formes, toutes fièrement sexuées. Plus de 150 dessins composent le livre, par ailleurs d'un joli format carré et TBM (21X21 cm) qui colle plutôt bien avec le contenu, très généreux en pines surhumaines et miches superlatives.
De sérieux topos recadrent doctement une lect