Un homme marche. Il longe la côte est de l'Angleterre. Comme il
marche, comme il est seul, il regarde alentour, l'île abandonnée d'Orfordness, les forêts détruites par la tempête, le village de Dunwich que la mer lentement grignote. Comme il visite les musées perdus, comme il parle avec les habitants, comme il regarde la télé dans les hôtels et qu'il a des souvenirs, beaucoup de choses se mêlent : les amours avortées de Chateaubriand, la Leçon d'anatomie de Rembrandt, les jardins détruits de l'impératrice Cixi, les vieilles demeures en ruine, le flop économique que constitua l'introduction de la sériciculture en Europe, la phosphorescence post mortem du hareng. Sans doute, l'homme a avec lui un appareil photo puisque le livre est orné des photos de son périple. On met un certain temps à saisir où vont Sebald et son roman dont il est le narrateur (il y a sa photo p. 310). Et puis l'on se souvient que ce roman, où il ne se passe rien qu'une accumulation de connaissances, s'intitule les Anneaux de Saturne et que Saturne implique mélancolie. Le narrateur est soumis à une tristesse chronique à quoi tout le ramène, l'anneau étant sans issue. Le roman est d'ailleurs construit sur l'idée de boucle, idée que la fin du livre déploie explicitement : «Il y a trois cent quatre-vingt-dix-sept ans jour pour jour, Henri IV publiait l'édit de Nantes ; il y a deux cent cinquante-trois ans, le Messie de Haendel était joué pour la première fois à Dublin», etc. Le narrateur est donc prisonnier de