«Le matin du 27 septembre 1987, raconte le photographe Steve Lehman,
j'étais dans le quartier du Jokhang, à Lhassa, pour faire mes derniers achats avant de partir vivre un an au village des troglodytes [pour une mission d'anthropologie, ndlr]. J'ai remarqué une certaine agitation près du temple ["]. Je me suis approché et j'ai vu se détacher de la foule un groupe de jeunes moines qui brandissaient des drapeaux tibétains. C'était une manifestation pour l'indépendance. J'ai tout de suite compris la portée d'une telle action. Il était évident qu'on allait soit leur tirer dessus, soit les arrêter. J'étais bouleversé par leur courage, par leur volonté de défendre leurs idéaux et de risquer leur vie pour l'avenir de leurs compatriotes. Il était clair qu'ils souhaitaient que je prenne des photos de la manifestation.»
Les Tibétains en lutte pour leur survie s'ouvre comme un coup de poing à l'estomac. Par des images de manifestations et de répression qui sonnent, douze ans après, comme un prélude au massacre de Tiananmen.
Steve Lehman est retourné au Tibet. Depuis dix ans, il a passé, en tout, plus de deux ans dans ce pays occupé depuis 1949 par la Chine: suivi, harcelé, interpellé par la police chinoise, il a entrepris une dizaine de voyages dans des conditions difficiles. Ces moines, ces manifestants dont il avait vu éclore la révolte, il les a retrouvés en exil à Dharamsala, a arraché des nouvelles de ceux, nombreux, qui sont encore en prison aujourd'hui. La photo, page 26-27, de la