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Libération

Après coup. Et l'humour, Pierre?

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publié le 7 décembre 1999 à 2h07

Conversation au sommet, dimanche dans la nuit, sur Arte: l'écrivain allemand Günter Grass, prix Nobel de littérature, reçoit en sa belle demeure Pierre Bourdieu, qu'il est inutile de présenter. Le temps d'une conversation, ils veulent faire revivre l'esprit des Lumières, que le néolibéralisme menace. Les grands hommes se comprennent à l'aide d'oreillettes. Celle de Bourdieu semble le gêner, il la tripote sans cesse. Ils sont assis dans des fauteuils, mais on s'aperçoit d'abord que celui du sociologue est moins confortable et l'oblige à se tenir raide, en élève visiblement intimidé, coudes hauts plantés sur les accoudoirs et mains croisées. On remarque aussi que Bourdieu a son verre d'eau, comme au Collège de France, tandis que l'écrivain, lui, a son verre de vin et sa pipe, que, pfff, pfff, il rallume sans cesse, tel un vieux chien tirant sur son os. Bref, avant les mots, on perçoit que Grass a plus de souplesse, de repli et, sans doute, de liberté vis-à-vis de son personnage et de son statut que son invité. La caméra empaille pesamment les spécimens et n'épargne aucun gros plan. A quoi la télévision reconnaît-elle les assassins, les victimes, les grands hommes? Aux mains. On filme souvent avec ses pieds, mais on tue, on meurt et on pense, semble-t-il, avec ses mains. Sur Arte comme sur TF1.

Grass commence par flatter l'oeuvre de Bourdieu, et la Misère du monde en particulier. «Il faudrait un livre comme ça dans chaque pays. Mais, tout de même, pfff, pfff, une chose m'a frapp