Menu
Libération
Critique

Mon Caire mis à nu. Corruption, sexualité s'apparentant au viol, univers carcéral s'étendant à toute la société. Rencontre avec l'Egyptien Sonallah Ibrahim autour de «Charaf ou l'honneur». Sonallah Ibrahim, Charaf ou l'honneur traduit de l'arabe (Egypte) par Richard Jacquemond, Actes Sud, 347 pp., 149 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 9 décembre 1999 à 2h05

Le Caire, envoyé spécial.

En grimpant vers l'appartement de Sonallah Ibrahim, au dernier étage d'un immeuble décent d'Héliopolis, on pense aux années de Zeth (Actes Sud, 1993). Le chapitre sur «la guerre des chats» n'était pas une invention: les sacs poubelles sont bien suspendus à des clous, hors de portée des convoitises félines. Il ouvre: un petit homme fluet de 62 ans qui en fait dix de moins et dont on ne sait si sa ressemblance frappante avec Perec est due aux lunettes rondes, à la moustache poivre et sel ou à la coiffure ébouriffée. Le corridor est encombré de livres, de journaux et de dossiers rangés suivant un ordre mystérieux mais efficace lorsqu'il s'agit de retrouver une information, une citation, un article. On se croirait chez le héros du Comité (Actes Sud, 1992), cet intellectuel pathétique, Sisyphe et Don Quichotte, chargé par un tout-puissant comité ad hoc de désigner la personnalité arabe la plus remarquable. Le pauvre homme y perd la raison et le lecteur ses illusions.

Comme souvent chez Sonallah Ibrahim, le prénom détermine son héros. Zeth (1) était une matrone de la classe moyenne prenant douloureusement conscience de ses frustrations. Charaf incarne l'honneur ­ bien entendu perdu ­ des Arabes. C'est d'ailleurs en défendant son «honneur» menacé par la concupiscence d'un riche Occidental expatrié que l'adolescent perd sa «liberté». Auteur d'un meurtre involontaire, Charaf est emprisonné. Passé le premier chapitre, tout le reste se passe dans l'univers carc