Provincetown, envoyé spécial.
Une villa de brique en bord de plage, dans ce petit port au bout du cape Cod, Norman Mailer a écrit là la plupart de ses 30 livres, y compris les Nus et les Morts, le roman qui fit de lui en 1948 un des principaux écrivains américains. A 76 ans, il a la gueule du boxeur qui a reçu autant de coups qu'il en a donné pour défendre sa couronne autodécernée (en 1959) de «romancier le plus influent de l'Amérique contemporaine», chroniqueur enragé et provocateur. La voix est rocailleuse, le débit rapide, les yeux brûlent d'énergie sous la tignasse blanche, le goût de l'invective est intact, même si le vieux lion dit en être «au point où [il s']efforce seulement de bien vieillir». Il refuse de parler («même à [sa] femme») du roman sur lequel il travaille et qu'il lui faudra «trois ou quatre ans» pour finir. En 1998, il a publié une somme, 1 305 pages d'extraits de romans, reportages, essais, poèmes et «ruminations», édités sous le titre The Time of our Time qu'on pourrait traduire par les Plus Beaux Moments de notre vie (1). Entretien.
Dans «The Time of our Time», vous dites que le thème central de votre oeuvre est l'Amérique. Aimez-vous toujours ce pays?
Non. C'est comme un mariage avec une femme extraordinairement belle qui a mal tourné. Ça n'est pas complètement fini, il y a encore de la nostalgie. Mais tout ce que je détestais et contre quoi je me révoltais quand j'étais jeune a triomphé. Les grandes sociétés ont colonisé les cerveaux américains.
Comme