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Libération
Critique

Tout bouge et rien n'échange

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Pour Baudrillard, la prolifération des échanges aboutit à une abolition du temps, des idées, et même du sexe.
publié le 9 décembre 1999 à 2h05

Attention, dans quinze secondes, le document va s'autodétruire ... Si Jean Baudrillard avait été agent secret, il se serait plu à cacher dans ses livres quelque puce qui, l'ultime page tournée, eût déclenché ce mécanisme fatidique. Non pour effacer quelque trace inconvenante. Mais pour rendre l'oeuvre adéquate à son objet. Car, de même que, lorsqu'ils affirmaient qu'aucune proposition n'est absolument vraie, les sceptiques grecs ajoutaient que leur affirmation ne l'était pas davantage, de même, quand un livre analyse l'incertitude de la pensée et montre que la pensée ne s'échange contre rien, ni contre la vérité ni contre la réalité, il se doit de se détruire lui-même, sous peine de passer pour le seul «contenant» de pensée qui échapperait à son propre contenu. Mais Baudrillard n'est pas un agent secret. Plutôt un penseur des missions impossibles, qui use de paradoxes, de paralogismes, de parodies et d'apories, non pour capter le réel mais pour se laisser capter par «la dernière lueur qu'envoie la réalité avant de disparaître», ou encore le tenant d'une «analyse irréaliste des événements irréels».

Dès lors, il apparaît malaisé de définir l'«objet» de l'Echange impossible (1), qui appelle une «révision déchirante» du principe de réalité et du principe de connaissance, justement parce que l'«objet n'est plus ce qu'il était», qu'il se dérobe dans tous les domaines, et «n'apparaît plus que sous forme de traces éphémères sur les écrans de virtualisation». N'importe quel ensemble s