Qu'est-ce qu'un adolescent? Un être humain pubère depuis peu ou un
grand machin grognon qui ne supporte plus ses parents? En d'autres termes, l'adolescence est- elle une donnée anthropologique universelle ou une invention occidentale moderne, comme le téléphone et la vaccination?
Pour la (jeune) historienne Agnès Thiercé, l'adolescence a été inventée au XIXe siècle. En France en tout cas. Bien sûr, le mot existait avant, mais il couvrait une période floue, entre la naissance et l'âge adulte. Il ne faut pas non plus, écrit-elle, confondre l'adolescence avec «la puberté, un événement physiologique, qui peut être qualifié d'universel et ahistorique... et qui induit presque toujours une rupture sociale mais n'ouvre pas, en tous temps, tous lieux, sur une période de transition». Si on cherche des adolescents dans le passé, on en trouve, l'éphèbe grec par exemple. Mais c'est le XIXe qui crée le «modèle»: le concept se cristallise et acquiert assez de force pour s'étendre à tous les pubères. Pourquoi à ce moment-là? Il y a les travaux médicaux sur la puberté et L'Emile de Rousseau. Il y a surtout des raisons politiques. Depuis 1789, et lors de toutes les révolutions qui ont agité le XIXe, les jeunes gens ont pris l'habitude de descendre dans la rue: l'adolescence a surgi sur la scène politique comme une classe d'âge un peu violente, une classe dangereuse. Au début, l'adolescent est exclusivement un garçon et un bourgeois. «Chez les prolétaires, les pubères intègrent le monde du t