Moscou, de notre correspondant
Si vous voulez aller au centre de la terre russe, ne vous attardez pas à Moscou ou Saint-Pétersbourg, ces miroirs aux alouettes, filez droit vers le Grand Nord, demandez les îles Solovki, tôt ou tard un bateau, un avion, un vague à l'âme vous y conduira, car tous les chemins en Russie mènent aux îles Solovki. L'église orthodoxe y installa son berceau, l'exil y envoya ses pionniers, le goulag y organisa son premier camp, préambule à son archipel. La Russie d'aujourd'hui, ce ressac, y a déposé tout à trac les poubelles de son histoire. C'est là que le journaliste polonais Mariusz Wilk a choisi de vivre, et, plusieurs années durant, d'écrire la chronique (1996-1998) de ce finistère dont on fait le tour en un jour de marche, et où «quelques hivers» suffisent à faire le tour des humains qui y ont échoué ou qui ne veulent plus en partir. Ces chroniques furent envoyées de Solovki en France à Maisons-Laffitte, siège de la revue polonaise Kultura où elles furent publiées avant d'être aujourd'hui articulées dans un livre. «A Solovki, on voit la Russie en miniature avec une netteté parfaite», écrit Wilk dans ses premières pages. Le mot loupe ne serait pas de trop, tant Solovki apparaît comme une exaspération, un grossissement de la Russie. Dans ce recoin extrême, quasi oublié par le «centre» (Moscou), si tout semble plus violent, c'est aussi que les masques des hommes et des paysages tombent plus vite ou ne tiennent pas à la première bourrasque. Des anci