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Libération
Critique

Le cimetière des utopies

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Une anthropologie du Père-Lachaise qui, depuis la Commune et le Mur des fédérés, tint lieu, jusqu’àprès 68 de «Panthéon de substitution».
publié le 30 décembre 1999 à 2h15

Véritable curiosité parisienne, au même titre que la Tour Eiffel ou le Sacré-Coeur, le cimetière de l’Est, dit du Père-Lachaise en souvenir du confesseur de Louis XIV, ancien propriétaire des lieux, fut fondé en 1804 par le préfet Frochot, et aménagé par l’architecte Brongniart, qui en fit une sorte de nécropole-jardin, propice à la rêverie et au romantisme du temps. Ce n’est cependant pas cette histoire bien connue que retrace le livre de Danielle Tartakowski. A partir de sources très diverses (archives de police, du conseil municipal, presse et littérature militantes), elle propose une autre lecture, celle des usages politiques d’un cimetière rapidement devenu «un des lieux symboliques de l’espace manifestant» et de la contestation partisane, et des relations singulières qui s’y nouèrent «entre la mort, la sacralité, l’Histoire et la politique».

C'est avec la Commune de Paris que les choses ont vraiment commencé. Le cimetière était demeuré jusque-là un espace sans identité politique clairement affichée, même si l'opposition libérale aimait à s'y réunir (on y enterre le général Foy en 1825, le député Manuel en 1827, Lamennais en 1854). Les républicains, eux, lui préfèrent longtemps le cimetière Montmartre, ou bien sûr le Panthéon. Et lorsque le baron Haussmann propose en 1853 de transférer, par hygiénisme, le Père-Lachaise à Méry-sur-Oise, on ne lui oppose que des arguments d'ordre sentimental. C'est donc en 1871 que tout se joue: les derniers combats de la Commune ont lieu