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Libération
Critique

A court d'assise

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Ain, juin 1996: souvenirs d'un procès déstabilisant, qui laissa chacun sur sa faim.
publié le 6 janvier 2000 à 22h07

Jean-Claude Romand est entré dans la salle de la cour d'assises de l'Ain, le 25 juin 1996, comme un voisin de palier revient des courses, ou du boulot. De larges lunettes dorées, peu de cheveux, double menton et regard vide. Et nous étions là, public en masse, journalistes, curieux professionnels ou non, à le scruter, salement heureux de voir enfin le visage même du Mensonge: un corps assez fort, semble-t-il, la voix douce, les gestes lents. Salement heureux mais rpidement inquiets: Jean-Claude Romand avait donc l'air d'un voisin, d'un type normal, comme l'on dit. Il était simplement plus menteur que chacun d'entre nous. Mais, au fil de l'audience, qui fut longue, cinq ou six jours, et éprouvante, pour tous, vraiment, le voisin est devenu cet inconnu qu'on croise sans plus d'attrait, de ceux qu'on n'a pas envie de connaître. Certes, la présidente du tribunal, genre Castafiore, ne l'aidait pas beaucoup. Elle lui parlait comme à un enfant, parfois, et du haut de sa morale, ricanait quand il s'agissait de détailler ses dépenses en sex-shop et salons de massage. Les silences de Romand? Elle les plombait de ses commentaires. Ses hésitations? Elle ne les comprenait pas. La présidente voulait savoir, c'est son rôle, mais, lui, Romand, répétait: «Je sais, ça paraît invraisemblable.» On avait envie de secouer tout ce beau monde: après vingt ans de mensonge, vingt ans de vie double, après le quintuple meurtre, enfin, personne ne pouvait se satisfaire de ces mots «Je sais, ça paraît in