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Interview

G.-A. Goldschmidt: «Les Allemands ont converti la trouille en enthousiasme» Entretien avec l'auteur de «la Traversée des fleuves», juif allemand encore étonné d'avoir échappé en France à la Solution finale. Georges-Arthur Goldschmidt. La Traversée des fleuves. Le Seuil, 326 pp., 135 F.

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publié le 6 janvier 2000 à 22h07

Tout le monde n'est pas à la fois juif, protestant, catholique,

agnostique, français, allemand, et pourtant, pendant longtemps, Georges-Arthur Goldschmidt, auteur de récits, essais, et traductions notamment de Peter Handke, ne voyait aucun intérêt à raconter sa vie sans rien inventer. Dans la Traversée des fleuves, il relate l'assimilation de sa famille à l'Allemagne, leur incrédulité face à l'antisémitisme, et sa séparation d'avec les siens, printemps 1938 alors qu'il a une dizaine d'années. L'enfant ne reverra jamais sa mère. Apprentissage d'une nouvelle langue et accueil dans une maison d'enfants, à Megève: Goldschmidt retrace le plus précisément possible ses sensations d'enfance, comme s'il tentait d'épuiser un mystère. Celui de la survie physique et psychique, quand on a tout perdu. Est-ce que les souvenirs de votre vie se sont modifiés au fur et à mesure que vous les écriviez?

Je n'ai pas redécouvert des morceaux de ma vie en les mettant sur papier. J'en ai surtout oublié. Ils me sont revenus après parution. Par exemple, à aucun moment, je n'explique que je suis un grand spécialiste de la traite des vaches. J'ai surtout été intéressé par la confrontation entre les deux cultures et mon glissement entre les deux langues, allemande et française. Et par cette vie extraordinairement préservée que j'ai eue durant la guerre. J'étais un petit enfant sans famille, en pays étranger, un petit domestique caché, dans un internat à Megève. Mais de la guerre, je n'ai rien vu. Aucune