Il fut un temps où des (grands) écrivains n'hésitaient pas à
intituler leurs romans Guerre et Paix, Crime et châtiment ou A la recherche du temps perdu. Puis les titres aussi généraux ont disparu. Aujourd'hui, il n'y a plus que les auteurs des Etats-Unis pour appeler un roman Salut à l'Amérique, dans ses foyers et sur les mers (voir ci-contre) ou Purple America. Il n'y a plus que les Américains pour faire de leur pays non pas le décor obligé de leurs intrigues dans lequel se mouvraient leurs personnages, mais le héros réel de leurs histoires. Les créatures de fiction ont fait leur l'apostrophe de Kennedy: ils ne se demandent plus ce que leur pays peut faire pour eux mais ce que eux peuvent faire pour leur pays. C'est aussi que les Etats-Unis en ont bien besoin. D'une manière ou d'une autre, ils sont devenus infirmes.
Cette ambition est admirable et touchante. Purple America est le troisième roman de Rick Moody, 38 ans. Il a été désigné livre de l'année 1997 par le New York Times et le New York Post. Son roman précédent, The Ice Storm, est devenu un film avec Sigourney Weaaver et Kevin Kline. Cela a changé en bien les conditions matérielles d'existence de Rick Moody, qui travaillait auparavant dans la maison d'éditions Farrar, Strauss and Giroux dont il avait été viré en 1991, «décision dont il maintient qu'elle était appropriée quoiqu'il refuse d'en expliquer les circonstances», selon Publishers Weekly. Rick Moody a aussi déclaré dans la presse américaine que son titre avait