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Critique

Du contrat mondialDès sa sortie aux Etats-Unis, le nouveau livre de John Rawls, l'auteur de la célèbre «Théorie de la justice», suscite débats et contestation. John Rawls The Law of peoples Harvard University Press, 200 pp., $22,50.

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par Jean-Christophe MERLE
publié le 20 janvier 2000 à 21h48

Il y a deux siècles, Rousseau légitima le droit et l'Etat par un

contrat social. Mais, loin de l'étendre au-delà des Etats, il déclara le rêve d'une fédération européenne (de l'abbé de Saint-Pierre) irréalisable et dangereux. Dans sa Théorie de la justice, qui a marqué depuis 1971 la renaissance du contractualisme, John Rawls suggérait la possibilité d'appliquer le modèle contractuel non seulement à la constitution de sociétés justes entre les individus, mais aussi à celle d'une société juste entre les sociétés justes. Or, au coeur du contrat social, Rawls ne plaçait pas seulement un système de libertés fondamentales. Il développait aussi et surtout un principe radical de justice sociale, le «principe de différence», qui accepte les inégalités à condition que tout changement dans la distribution des biens sociaux améliore la situation des plus mal lotis. Les «globalistes» reprirent le flambeau de cette pensée qui promettait de répondre aux défis de la globalisation par un ordre démocratique et social au niveau mondial. Charles Beitz prôna ainsi l'institution d'un Etat mondial fédéral et Thomas Pogge un impôt mondial sur l'utilisation des ressources naturelles à redistribuer aux Etats et aux individus les plus mal lotis.

Dans le Droit des peuples, qui vient de paraître en anglais, Rawls dénonce dans le globalisme une dérive de sa pensée et développe de manière résolument différente la politique internationale à suivre par les démocraties. Pour Rawls, les sociétés démocratiques