Dans tous vos romans, une narratrice évoque son enfance. Votre écriture est-elle d'abord liée à la mémoire?
Oui, mais ce n'est pas seulement ma mémoire, pas seulement les événements concrets de mon enfance. C'est une mémoire ancestrale, qui englobe les dates de ma naissance et de ma mort, qui m'est à la fois antérieure et postérieure. J'irais donc jusqu'à dire qu'il s'agit d'une mémoire à venir.
Qu'est-ce qui est à venir ?
Je n'inclurais pas seulement dans l'à-venir les choses qu'on y inclut d'habitude, c'est-à-dire les choses que l'on espère et que l'on souhaite. Je dirais que c'est aussi une mémoire des choses qui ont été faites et qui seront défaites.
Vos romans sont toujours écrits à la première personne. Est-ce une façon de revendiquer l'autobiographie?
Oui, ils sont très autobiographiques particulièrement les deux premiers. Ils sont autobiographiques jusqu'à la ponctuation. Les points, les virgules, chaque pause, chaque paragraphe, chaque page, est autobiographique. Parce que rien n'est laissé au hasard, rien n'est un accident, même l'espace entre les mots n'obéit pas à une loi extérieure.
Pourtant ces romans autobiographiques racontent chacun une enfance différente.
Cette façon d'établir des règles strictes pour différencier la fiction et la non-fiction ne m'intéresse pas. Je n'ai pas le luxe de m'impliquer dans un tel débat. Quand j'ai commencé à écrire Mon Frère, je ne me suis pas dit que j'allais écrire un roman. Dans ce livre-ci, tous les événements sont vrais, et même l'enchaînement chronologique des événements est vrai. Ceci est le matin, ceci est l'après-midi, ceci est le soir. Mes premiers romans sont autobiographiques aussi et tout y est exact, précis, tout est la vérité. Seulement, ils ne supporteraient pas le regard de la Loi. Ce ne sont pas des rapports judiciaires. Ces l