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Libération
Critique

Paulhan, voilà l'ennemi.

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Le pape de chez Gallimard prenait un malin plaisir à énerver tout le monde.
publié le 20 janvier 2000 à 21h48

Le but de Jean Paulhan, quand il écrivait, n'était peut-être pas d'exaspérer la terre entière, toujours est-il que c'est un résultat auquel il parvenait souvent (et quand même volontiers). Exemplaire pendant la guerre, il écrit ensuite Lettre aux directeurs de la Résistance pour s'en prendre à l'épuration de telle manière que d'autres résistants le soupçonnent de ne s'être engagé dans leurs rangs que pour mieux pouvoir les agacer ensuite. Lettre à un jeune partisan est un texte plus modeste d'abord paru dans la NRF en 1956, douze ans avant la mort de celui qui fut un essayiste redoutable et un ponte de chez Gallimard. Catalogué homme de droite, il y répond à un prétendu sympathisant communiste. Comme l'Anglais Gilbert-Keith Chesterton, Jean Paulhan adore prendre des positions qui peuvent paraître réactionnaires mais qui ont beaucoup pour déplaire aux véritables réactionnaires, de sorte qu'il se fait des ennemis dans tous les camps.

Le chant du cygne des partisans tient pour Paulhan à ce qu'on est forcément de tous les camps à la fois. Il imagine ainsi que son correspondant, après avoir fait un mariage d'amour, emmène son épouse voir une pièce de Shakespeare durant laquelle, malheureusement, le théâtre prend feu et on ne sait quelle catastrophe se serait produite si quelqu'un de banal, même pas bien habillé, n'avait pris les choses en main. Le héros de cette journée a donc été en quelques heures «démocrate, partisan de l'aristocratie et royaliste (ou fasciste, si vous aimez mi