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Critique

Roubaud, le grand incidentAvec «Poésie:» Jacques Roubaud poursuit, en incises et bifurcations, un gigantesque projet exploratoire d'un théâtre de sa mémoire. Jacques Roubaud. Poésie:Seuil, «Fiction et Cie», 540 pp., 160 F.

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publié le 20 janvier 2000 à 21h48

L'oeuvre de Roubaud passe brillamment l'an 2000, mais il faudra un

peu de patience au lecteur avant d'avoir entre ses mains le sixième et dernier volume de cette vaste composition en prose. Car, avec Poésie:, quatrième branche de son long récit inauguré en 1989 avec le Grand Incendie de Londres (volume qui a, depuis, donné son nom à cet ensemble et que l'on désigne sous l'abréviation de GRIL), Jacques Roubaud n'est arrivé qu'à mi-parcours.

GRIL, dès la parution de son premier volume, rapportait que, dans les années épiques de notre modernité littéraire, Jacques Roubaud avait conçu et entrepris, précisément du 5 décembre 1961 au 24 octobre 1978, un vaste projet qui embrasserait à la fois mathématique, poésie et prose, puisqu'un roman intitulé le Grand Incendie de Londres devait couronner ce grand oeuvre. Mais ce projet qui reste symptomatique du fantasme des machineries littéraires des années 1960-1980 n'a jamais pu aboutir et le sujet de GRIL est de raconter l'échec et la destruction de ce projet. Aussi, comme les volumes précédents, Poésie: n'est pas un roman, mais un récit non linéaire. Il est divisé en branches (comme le Lancelot en prose), comporte des incises et des bifurcations (c'est un peu l'Internet avant la lettre). S'il dit «je», ce n'est pas pour autant une autobiographie (à l'inverse de ce qu'affirme publicitairement la quatrième de couverture). Enfin, il s'écrit en une fois, mais sous contraintes.

Depuis plus de dix ans, Jacques Roubaud écrit GRIL dans les heures