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Libération
Critique

Un beau jour pour nourrir. Retour de l'Hannibal-cannibale du «Silence des agneaux», qui a encore affiné ses recettes de cadavres. Thomas Harris. Hannibal Traduit de l'américain par Bernard Cohen. Albin Michel, 492 pp., 145 F.

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publié le 20 janvier 2000 à 21h48

«La cruauté possède un coeur humain», dit un des Chants d'espérance

de William Blake que citait Thomas Harris dans Dragon rouge, le premier roman, paru en 1981, de la trilogie où figure Hannibal Lecter. A vrai dire, celui-ci ne se différenciait pas encore beaucoup des serial killers auxquels le thriller américain allait, de gré ou de force, nous accoutumer, hormis par son goût ­ incongru ­ pour le Grand Dictionnaire de la cuisine d'Alexandre Dumas. Depuis, les bonnes recettes du Dr Lecter ont fait leur chemin. Le Silence des agneaux, second volet de ses aventures criminelles, avait le goût des plats longuement préparés, soigneusement épicés par un Thomas Harris visiblement désireux de quitter les sentiers rebattus du polar traditionnel et mettant à profit, le gimmick ironiquement lancé par Stanley Ellon dans sa short-story restée fameuse, la Spécialité de la maison. Le cannibalisme, Harris, nous le savons maintenant, le pratique à tous les sens du terme, ce qui n'enlève rien à son talent de conteur hypnotique. Ce Dr Frankenstein du polar a par ailleurs eu tôt fait de voir l'impasse esthétique vers laquelle menaient trop de romans mal ficelés, trop étrangers surtout au monde du crime que cet ex-journaliste connaît si bien qu'il n'a pu se retenir de donner à deux flics lourdauds figurant à la première page d'Hannibal les noms des célèbres déterreurs de cadavres écossais Burke et Hare! Le Silence des agneaux, croyait-on, avait fixé une fois pour toutes les visages de cet explora