Bézian est l'ange noir de la bande dessinée française. Son oeuvre
déjà longue, envoûtante et entêtée, témoigne d'une démarche peu courante et, les années passant, en devient émouvante. Avec Fin de siècle, paru en 1983, s'affichait avec effronterie le désir d'un très jeune créateur stimulé certainement par d'autres démarches exigeantes apparues au cours de la décennie précédente d'aller chercher «ailleurs» l'inspiration. Ses premières planches étaient un feu d'artifice plutôt baroque où se mêlaient les remugles d'une esthétique littéraire proche de celle du Yellow Book victorien. Sa décadence était foisonnante et elle aurait pu tourner court si l'impétrant n'avait eu déjà, et solidement ancrée en lui, une vocation plus proche de l'expérimentation que de la nostalgie. Son trait faisait songer aux sons discordants d'un orgue de salon manipulé par un Nemo sarcastique naviguant entre les eaux malsaines d'une sorte de Rocky Horror Picture Show donnant à penser que notre grand Guignol national avait fait des petits. Ce qui n'était d'ailleurs pas faux. Mais Bézian n'avait pas l'intention d'en rester là. Quittant Bruxelles où, tel un personnage de Huysmans, il avait étudié le dessin et fait paraître ses premiers travaux, il regagne la région de Toulouse, son pays d'origine, pour y fomenter de nouvelles percées vers l'«en dedans» de sa création...
Il ajoute alors la couleur au trait fuligineux de ses cases et concocte patiemment une trilogie dont le premier volet paraît aux Humanoïd