La couverture est moins tarte que celle de la version originale,
mais elle non plus ne rend justice à l'histoire déjantée concoctée par l'Américain Kyle Baker. Ce n'est pas le moindre paradoxe de cet album inclassable et irrésistible, dès lors qu'on aime les séries télé façon Sex and the City ou Friends, et, pour relever un peu,Woody Allen. Pourquoi je déteste Saturne est une BD 100% new-yorkaise, au sens où elle rend compte du mode de vie speedé de ces Américains presque européens, éternels névrosés, amateurs d'introspection publique et d'épanouissement sexuel. Loin de l'imagerie Comics qui fait fuir les critiques européens, Pourquoi je déteste Saturne a pris le parti d'un découpage cases/textes qui lui donne un aspect presque classique. Ne pas s'y fier: quel auteur de BD multiplierait pendant les dix premières pages une même scène de rencontre papotage entre deux vieux amis, au comptoir d'un bar branché? L'homme, beau spécimen d'intello trentenaire, cynique et misogyne, glose sur les différences homme-femme: «Voyons voir, la femme idéale. Jolie. Des seins super. Un supercul. Sympa de caractère. Dans cet ordre-là.» Les dessins de Kyle Baker en disent aussi long que les discours: en un chapitre, le lecteur comprend qu'Anne est une insupportable petite brune, intelligente et complexée, teigneuse et désabusée, qui se cache derrière de grandes lunettes et une tignasse en frange pour mieux fondre sur ses adversaires. Journaliste «tendance» d'un magazine «destiné aux New-Yorkai