Le premier ouvrage consacré à Hergé et à son oeuvre a paru en 1958
sous le titre le Monde de Tintin. Il était l'oeuvre de Pol Vandrome, journaliste et romancier belge habile à ciseler la silhouette d'un créateur irréprochable, serein et fier de son travail. La suite a montré qu'Hergé n'avait jamais été vraiment ce personnage marmoréen que le roublard Vandrome tentait de nous faire gober, même s'il reste un fonds de vérité troublante dans ce portrait. Contrairement à ce qu'ont certainement cru beaucoup de ceux qui l'entourèrent au cours des dernières décennies de sa vie, Hergé n'avait jamais tout à fait quitté le monde de son enfance, ce quartier des Marolles à Bruxelles dont il aimait la gouaille et l'innocence, pas plus qu'il ne s'était défait d'une morale de boy-scout qui lui valut de rester fidèle, au mépris du danger, à ses amis journalistes durant la guerre. Prisonnier de cette tour d'ivoire que symbolisaient si bien les «Studios Hergé» de l'avenue Louise, il se laissa peu à peu gagner par les vapeurs anesthésiantes d'une philosophie orientaliste et mondaine qui lui permettra du reste d'accepter avec stoïcisme les affres de la maladie qui devait l'emporter finalement. L'amour de sa seconde femme, Fanny, lui fut plus nécessaire que la ferveur des lecteurs ou le retour médiatisé de son ami Tchang, et à sa mort, le 3 mars 1983, il laissait derrière lui beaucoup de questions sans réponses. L'enquête du journaliste Hugues Dayez dont le titre, Tintin et les héritiers, aurait