Voilà le corps du délit. Il n'est pas bien imposant. C'est un opuscule d'une soixantaine de pages, au titre quelque peu provocateur: Règles pour le parc humain. A l'origine, il s'agissait du texte d'une conférence faite devant un «large public» à Bâle, puis répétée en juillet 1999, cette fois devant des professionnels de la pensée, au congrès d'Elmau sur Heidegger et Levinas. Mais il a suffi que quelques extraits, sinon des citations de première ou de seconde main, en paraissent dans les journaux pour que se lève un véritable hourvari, s'enclenche une querelle de philosophes, comparable à l'«Historikerstreit» qui dans les années 80, à propos de la «relativisation» du nazisme, fit s'affronter les historiens. Dans l'oeil du cyclone, un penseur imaginatif et déconcertant, qui n'hésite pas à faire sien «le sens dangereux» qu'avait Platon des «thèmes dangereux»: Peter Sloterdijk, cinquante-deux ans, professeur à l'Ecole supérieure des arts appliqués de Karlsruhe et à la K unstakademie de Vienne. Il a été traité de tous les noms, on l'a accusé de «rhétorique fasciste» et de néonazisme. Face à lui, s'est dressé le représentant le plus émérite de la philosophie allemande, Jürgen Habermas.
Alors qu'en Allemagne se discutent les deux volumes de Sphären, le dernier travail de Sloterdijk, Règles pour le parc humain paraît en France, en même temps que sont réédités Critique de la raison cynique, l'oeuvre de 1983 du cynisme comme réponse aux désillusions de la raison et des Lumières qu