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Libération
Interview

«Camus était des deux côtés, comme moi.»

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publié le 3 février 2000 à 22h28

Comment êtes-vous devenue ethnologue?

Par la préhistoire. Ma mère était historienne de l'art, et j'ai entendu parler toute mon enfance de vieilles pierres, de cathédrales, d'églises, de transepts. Plus tard, j'ai commencé des études d'archéologie, fantasques et amusantes, qui m'ont menée jusqu'à l'Ecole pratique des hautes études et aux cours de Marcel Mauss, que j'ai suivis assidûment.

Quel rôle a joué Marcel Mauss dans votre vie?

C'est lui qui m'a fait ethnologue. C'était le neveu de Durkheim, qui, racontait-il, l'enfermait dans sa chambre pour travailler. Il était d'une immense culture, et même s'il n'avait pas fait beaucoup de terrain, il regardait toujours les gens dans la rue à Paris, ce qui me plaisait beaucoup. Il était de son temps, autant passionné par la société française que par les sociétés lointaines, ce que je n'ai jamais oublié.

Une femme ethnologue dans les Aurès dans les années 30, ce n'était pas banal.

Je n'ai pas souvenir de problèmes particuliers. En tout cas, pas familiaux, ma mère ayant toujours été très compréhensive. Quant à ces Berbères qu'on présentait comme des montagnards farouches, c'étaient des gens formidables, très amicaux, très protecteurs. Je vivais à quatorze heures de cheval de l'Européen le plus proche, mais je n'ai jamais eu le sentiment d'un danger, peut-être à cause de mon tempérament plutôt calme, attentif et courtois. Et puis j'ai vécu des moments exceptionnels, ravissants, comme descendre des montagnes et chevaucher à l'aube dans le dés