Menu
Libération
Critique

Circonstances à graver

Article réservé aux abonnés
L'histoire acide d'un graveur d'eaux-fortes, qui cisela de Bruges à Rome sa manière noire et son chagrin d'amour.
publié le 3 février 2000 à 22h28

Evidemment, ceux qui du même Quignard ont lu Carus, ou Albucius, ou Inter Aerias fago, ou les Tablettes de buis d'Apronia Avitia sont en droit de se demander à l'annonce de son dernier roman, Terrassarum, si son titre s'écrit Ter Assarum, ou Terra Sarum. Il s'écrit Terrasse à Rome, comme une terrasse, dans la ville de Rome. Parce que Pascal Quignard a plus d'une langue dans ses poches, des mortes et des vivantes, latin-grec, anglais-allemand, on parlait tout cela, chez lui, à table, lorsqu'il était enfant. Plus tard, certain jour de désabusement, il dit qu'il ne comprend plus guère de langues étrangères, et que seule la langue française, elle, le comprend. De ces langues nouées dans ses poches il en tire des poignées de serpents, grouillantes ou étales, que depuis plus de trente ans les éditeurs et les lecteurs réclament.

De grands romans, de courts traités, des essais, des histoires, des pans d'écriture divers et cohérent capables de construire les oeuvres complètes de plusieurs écrivains, mais c'est tout ce qu'il sait faire de ses dix doigts, Quignard, écrire (il prétend préférer lire). Et même de sa main gauche (à qui, il donna un prénom de femme, Agustina Izquierdo, ce que jamais il n'admit ni ne démentit, «izquierdo» signifie «gauche», en castillan), il écrivit deux romans, publiés chez P.O.L., Un souvenir indécent et l'Amour pur, qui, avec deux autres textes signés de son nom, Tous les matins du monde (Gallimard) et la Frontière (Chandeigne), constituent l'une des multi