A bientôt 93 ans, et malgré une vie de discrétion, Germaine Tillion apparaît comme un-des derniers grands témoins du vingtième siècle. Née en 1907, un an avant Claude Lévi-Strauss, elle est avec lui une figure tutélaire de l’ethnologie française, dont les travaux sur les Berbères et la condition des femmes dans le bassin méditerranéen font autorité. Résistante de la première heure, déportée à Ravensbrück, elle est une des pionnières de l’histoire du système concentrationnaire auquel elle a consacré des années de recherche. De retour en Algérie pendant la guerre d’indépendance, elle a vécu en première ligne l’effondrement du colonialisme, dénonçant aussi bien la torture contre les combattants algériens que les actes terroristes de ces derniers. D’une certaine manière, Germaine Tillion a toujours été doublement témoin: d’abord par son métier même, qui, a-t-elle écrit, est «d’abord un dialogue avec une autre culture» puis «une remise en question de soi et de l’autre» et, si possible, «une confrontation qui dépasse soi et l’autre». Par sa participation directe ensuite, et combien douloureuse, aux grandes épreuves du siècle, que ce soit en Allemagne nazie ou en Algérie française. Ce double mouvement donne sa force et son unité à l’oeuvre et aux combats de Germaine Tillion, qui publie aujourd’hui Il était une fois l’ethnographie, tandis que le dernier numéro d’Esprit lui rend hommage.
C'est en 1934, à vingt-sept ans, que Germaine Tillion s'embarque pour l'Algérie. Sur les cons