Utile pour désigner la construction sociale et culturelle des
identités sexuelles, le concept de «genre» s'est imposé en une vingtaine d'années comme le principal instrument pour penser la différence des sexes. Jusqu'ici, cependant, il a surtout été utilisé par une historiographie soucieuse de mettre au jour les facteurs et les formes de la dépendance féminine, et peu de travaux ont vraiment été consacrés aux représentations du masculin, pourtant indispensables à la compréhension des rapports de sexe et des rôles sociaux qu'ils induisent. C'est pourquoi il convient de saluer comme une contribution importante le livre qu'André Rauch, historien du corps et des pratiques sportives, vient de consacrer aux bouleversements de l'identité masculine dans la France du XIXe siècle.
L'auteur y développe une idée simple mais forte: en malmenant le corps et la figure du roi, symbole de l'autorité paternelle absolue, en accordant existence civile et personnalité juridique aux femmes, la Révolution française provoque une rupture radicale, une «crise de civilisation peut-être unique dans l'histoire», qui se solde par la résorption progressive de la «société des pères» en une nouvelle «société des pairs». Bouleversant les conceptions et les usages ancestraux du masculin, cet avènement de la mixité s'accélère fortement au xixe siècle. La décroissance de la natalité qui affecte l'image traditionnelle de la virilité, les migrations et les nouveaux modèles sociaux qui sapent les fondements de l'au