Ils habitent tous les deux la banlieue parisienne. Ils n'ont pas de
baskets Nike ni de sweats à capuche, ils ne scandent pas leurs phrases de «Yo!»: Abderahman El Yousfi et Patrick Cahuzac ont respectivement 31 et 36 ans. Chacun dirige une revue littéraire où des auteurs «reconnus» côtoient des novices issus d'ateliers d'écriture ou découverts au hasard de la vie. Ils ont le même projet et ne se connaissent pourtant pas: c'est que dans la marge, il n'y a pas de centre où se rencontrer. Si l'idée peut paraître un peu toc, un peu publicitairement correcte, il faut pourtant admettre qu'elle fonctionne parfaitement. Et chacun de nos interlocuteurs d'avouer qu'il ne croit guère à cette «culture de banlieue» jadis vantée par Jack Lang, même s'ils l'utilisent comme accroche. L'UV de tag ou de verlan à la fac, ce n'est pas leur tasse de thé.
On ne trouvera donc pas dans ces deux revues de témoignages misérabilistes sur la dure condition d'exclu. Une certaine idée de la littérature beur, de la littérature des minorités a vécu. Cela n'empêche pas Patrick Cahuzac de se battre pour la cause des sans-papiers, sur le terrain et en tant que penseur avec Inventaire/Invention. Du côté de Bleue, on a préféré pour ce premier numéro faire un dossier sur la littérature albanophone. «Omar Mahi, le rédacteur en chef, et moi-même nous sommes arabes, commente Abderahman El Yousfi, alors les problèmes des Maghrébins, on trouvait que ça faisait un peu trop attendu». Il trouve ainsi exemplaire le cas de