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Libération
Critique

Moins trente chez les Tchouktches.

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Expédition aux confins de l'ex-empire soviétique, dans la petite République autonome de Tchoukotka, où un peuple de chasseurs de rennes réapprend à tenir sa langue. Rencontre par grand froid avec Veqet, autour de «Peaux de phoque»
publié le 24 février 2000 à 22h39

Anadyr, envoyé spécial.

Pas facile d'aller voir chez elle en Tchoukotka, l'écrivain tchouktche Valentina Veqet. En novembre, il n'y avait pas d'avion faute de kérosène, or il n'y a aucune ligne de chemin de fer reliant Moscou au détroit de Béring, à 7000 kilomètres de là et neuf heures de décalage horaire. En décembre, la ligne fonctionnait mais il n'y avait plus d'hélicoptère pour rallier l'aéroport à la ville d'Anadyr, capitale de la Tchoukotka, seul moyen de locomotion lorsque les eaux commencent à geler. En janvier enfin, à la descente d'avion, par un temps moyen saisissant de -30°C, un minibus traverse la baie blanche sur l'eau gelée et vous désigne au loin les deux cheminées grises de la centrale thermique qui chauffe Anadyr et recycle les flots en eau chaude jaunâtre et puante. Encore faut-il surmonter le dernier obstacle qui fait que la Tchoukotka, zone frontière avec l'Amérique (une poignée de kilomètres), est considérée comme un territoire où tout étranger non muni d'une autorisation est conduit illico dans les bureaux des chefs russes des gardes-frontières et du ministère de l'Intérieur de la République autonome de Tchoukotka où trône toujours le portrait de Lénine. Vient tout de même le moment où vos pas longent un de ces immeubles de cinq étages d'Anadyr construit sur pilotis (sinon le sol glacé fondrait sous l'effet de la chaleur). Rue des Energéticiens, vous frappez à la porte de Veqet. Et une femme tchouktche petite et d'une sobre élégance vous ouvre.

«Lorsque