«Qu'est-ce, au juste, que la bêtise?» Robert Musil, mort en 1942, se
le demande avec une grande gourmandise intellectuelle dans une conférence de 1937 pour constater que cette question est aussi incongrue dans le monde moderne que quelques autres: «Qu'est-ce que le beau, ou le bien, ou l'électricité?» Ce que la bêtise est «au juste», l'auteur de l'Homme sans qualités ne parviendra pas à le définir, mais il aura quand même explicité ses liens avec, entre autres, la brutalité, la vulgarité, la cruauté, l'intelligence, la vanité, la sagesse, le désarroi, l'incapacité et la littérature.
Bêtise et sadisme: Musil développe la parenté en soulignant comment «il faut à la cruauté, comme à l'amour, deux partenaires qui se conviennent!» Si les victimes d'actes sadiques sont trop souvent «des imbéciles», cela viendrait certes de la facilité pour les bourreaux à les dominer, mais serait aussi «lié au fait que l'incapacité à résister qui émane de toute leur personne excite l'imagination comme l'odeur du sang le fauve», poussant la cruauté hors de ses limites.
Musil cite l'Homme sans qualités: «Si la bêtise ne ressemblait pas à s'y méprendre au progrès, au talent, à l'espoir ou au perfectionnement, personne ne voudrait être bête.» Peut-être que tout le monde ne «veut» pas être bête, mais le fait est que tout le monde y arrive. La familiarité de chacun avec la bêtise établit bien la diversité du caractère de celle-ci. Musil lui-même «ignore ce qu'elle est. Je n'ai pas découvert de théorie de