Menu
Libération
Enquête

Portrait d'une inconnue à cette adresse. Les ventes de la traduction d'«Inconnu à cette adresse», roman américain des années trente, décollent grâce à un bon bouche à oreille. Mais qui était donc son auteur? Enquête. (Kressmann Taylor)

Article réservé aux abonnés
par Cécile DELARUE
publié le 24 février 2000 à 22h38

C'est l'histoire d'un roman qui cultive le mystère. Mystère d'un

livre sorti de quasi nulle part, traduit en français soixante et un ans après sa publication, tiré à 3 000 exemplaires en mai dernier et vendu à plus de 55 000 neuf mois plus tard. Sans qu'aucune campagne ait entouré Inconnu à cette adresse (1), le roman de Kressmann Taylor (voir Libération du 1er juillet 1999) est passé de mains en mains, de bouches en oreilles. Soixante pages, cinquante francs et une intrigue efficace: sur les conseils d'un ami, on l'achète. On le lit. Et on finit par investir les librairies pour s'en procurer cinq ou six exemplaires, juste pour offrir. Ainsi s'assemble la chaîne, semblable à celle qui s'était formée autour du même roman, soixante-deux ans plus tôt, aux Etats-Unis. Le numéro trimestriel de Story Magazine, recueil de nouvelles dont Inconnu à cette adresse faisait la une, fut épuisé en dix jours en 1938. La demande était telle que l'éditeur ne pouvait y répondre. Certains lecteurs allèrent jusqu'à ronéotyper des exemplaires. Eleanor Roosevelt l'avait recommandé pour Noël, le Reader's Digest rompit sa tradition et accepta sa première fiction en le publiant. Et le roman fut adapté à l'écran. Au total, le livre fut vendu à 50 000 exemplaires. L'histoire de ce roman épistolaire avait de quoi troubler l'Amérique isolationniste des années trente. Deux amis, Allemands émigrés en Californie, s'associent dans une galerie d'art à San Francisco. L'un d'eux finit par retourner au pays. D