Nombreux sont les signes qui attestent un retour de (ou à) la
philosophie politique, et la revue Cités, dont le premier numéro vient de paraître, en est assurément un. Les interpréter n'est guère aisé, cependant. Si on tient compte, en regard, des marques de désaffection vis-à-vis de la politique, tout aussi nombreuses, et apparues depuis longtemps, doit-on y voir la «renaissance» de l'intérêt pour l'idéal, l'utopie, pour ce qui «devrait être»? Si on considère que les sciences sociales n'ont pas renoncé à scruter l'état des choses existant, même quand «ce qui est» désole et désespère, faut-il redouter (ou espérer) que la philosophie politique «revient» pour les déloger, et récupérer l'ancienne précellence? La revue Cités , comme l'explique dans son Editorial le directeur Yves-Charles Zarka, tente plutôt de répondre à un défi: être à la fois du côté de la «cité réelle», de «l'analyse des faits sociaux, politiques et économiques dans ce qu'ils ont de plus rude et de plus irréductible», et de la «cité possible», où le constat de réalité laisse sa place au jugement, à l'évaluation, à la «dimension critique indissociable de la philosophie». Aussi, à côté d'un dossier sur les formes diverses et multiples de l'exclusion «Sociétés sans droits», qui donne son titre au numéro trouvera-t-on ici aussi bien un entretien avec Amartya Sen, récent prix Nobel d'économie, que des interventions sur le choix rationnel qui constitue aujourd'hui, avec l'éthique de la discussion, le coeur théor