Publié naguère aux Presses orientalistes de France, Youri Rytkhéou
est le plus connu des écrivains tchouktches. Et sans doute n'aurait-il pas atteint la notoriété durant la période soviétique s'il avait écrit en tchouktche et non en russe. Mais son écriture métisse, son naturel romanesque valent mieux que son parcours caressant le poil du temps. A l'époque soviétique, Rytkhéou n'hésite pas à brocarder «les vieilles superstitions» de son peuple et à écrire ce qu'on attend de lui: «Grâce à la politique nationale léniniste, la Tchoukotka a parcouru en trente ans un bond inégalé dans l'histoire» ... Avec la perestroïka, son discours devient (auto)critique et jette un regard amer sur les années bolcheviques: «On ne saurait cependant nier que, dans cette exaspération à nous éloigner le plus possible de ce "passé maudit" que la propagande bolchevique ne dépeignait qu'en noir, nous avons perdu une part importante de notre culture ou que nous l'avons mutilée, ramenée à une parodie, à un résidu sans âme, privée de sa force magique, de sa puissance secrète intérieure.» Son roman Unna raconte une histoire qui épouse ce parcours.
Fille d'un éleveur de rennes dans la toundra, Unna, comme tous les enfants tchouktches de ce qu'on devine être l'après-guerre, est scolarisée en ville dans un internat, où l'enseignement se fait en russe. Au début, elle fugue pour retrouver sa toundra natale. Les années passent, elle parle désormais le russe et se laisse aspirer par le discours soviétique, rêve d