Deux documents d'ordre autobiographique viennent d'atteindre les
cent mille exemplaires. Pour donner une idée, cent mille, c'est le tirage initial du nouveau Viviane Forrester chez Fayard, Une étrange dictature, après le séisme de l'Horreur économique, et du nouveau Frank McCourt, la semaine prochaine chez Belfond, C'est comment l'Amérique?, après les Cendres d'Angela. A la différence des collègues, nos deux raconteurs de vie n'ont pas pignon sur rue. Jean-Marie Déguignet, cultivateur autodidacte, «libre penseur athée», est mort tout seul dans un taudis du Finistère, à 70 ans, en 1905. Pierre Botton, 44 ans, a connu des tas de gens haut placés, il est ensuite allé en prison pour abus de bien social, et on ne lui a pas porté beaucoup d'oranges. Son titre, Mes chers amis, désigne l'amertume de ses sentiments et le prix élevé de ses relations. Il règle donc ses comptes (voir Libération du 25 janvier). Du point de vue de l'âme et de la littérature, le legs de Déguignet est d'une autre trempe, mais le Botton, écoeurant d'émotions mal étalées, n'est pas sans intérêt. Paru le 17 janvier, il a décollé avec l'émission de Thierry Ardisson, Tout le monde en parle, jusqu'à gagner la première place des meilleures ventes de sa catégorie. Intervient une forme de curiosité caractérisée en son temps par Gertrude Stein: «Eleanor Roosevelt (ou Jacques, Claude et Bernadette Chirac, ou Jacques Toubon, Patrick Poivre d'Arvor) est aussi d'une actualité plus vraie que n'importe quel personnage d'a