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Interview

Boris Cyrulnik: «La tragédie est un destin merveilleux».

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L’affaire Wilkomirski : Boris Cyrulnik, psychanalyste, a écrit sur les enfants adoptés et sur les survivants des camps (Un merveilleux malheur, Odile Jacob)
publié le 2 mars 2000 à 23h07

Qui est l’homme qui a voulu s’identifier à tout prix à un enfant juif déporté?

Bruno eu une enfance passive, transparente. Comme tous les enfants adoptés, il a été contraint d'inventer son passé, son roman familial, parce qu'il n'en avait pas une connaissance claire.

Vous parlez de roman familial?

Tous les adolescents, ou presque, inventent leur roman familial. Pour s'autonomiser par rapport à leurs parents et pour donner une forme à leurs désirs. «Je vois dans le réel mes vrais parents, mais je ne peux quand même pas être issu de ces gens médiocres. En fait, je suis un fils de prince enlevé par des romanichels.» Simplement, c'est exacerbé chez un enfant sans famille, contraint d'inventer son passé. Pour construire une identité narrative, chacun va chercher dans son passé des souvenirs. Or, Bruno, comme tous les enfants sans famille, a peu de souvenirs.

Pourquoi choisit-il la Shoah?

Comme tout enfant, Bruno a été contraint à s'opposer pour devenir autonome. En général, l'enfant est aidé par des dispositifs sociaux: oncles, copains, études. Sinon, c'est la haine qui sert de pouvoir séparateur. Justement, ce garçon déteste sa famille d'adoption. Il raconte que son père adoptif voulait faire des expériences médicales sur lui, il l'associe à Mengele. Or, Bruno est un enfant adopté et un enfant banal. Il vit dans un milieu bourgeois, chez des gens anormalement normaux, rangés. Un enfant fade dans un monde fade. Quand, à partir de l'adolescence, il cherche dans le