Balançant avec bonheur entre l'émerveillement face aux variations infinies du monde et une volonté assez farouche de le reconduire à l'unité, Gottfried-Wilhem Leibniz (1646-1716) n'a de cesse de s'occuper de la langue et des langues, les naturelles comme les artificielles, en vue de la communication entre les parties proliférantes de la création et le tout parfait de Dieu. D'un côté, il travaille à l'invention d'une «langue philosophique», sorte d'espéranto avant la lettre, purement conceptuel et mathématisable (qu'il abandonne finalement); de l'autre, il jette toute son énergie (débordante, il est vrai) dans l'enquête sur les langues vivantes, sur leur variété et leurs différences, mais pour affirmer l'unité du genre humain qu'il s'agit de reconstituer après la dispersion babélique. De ces multiples approches, témoigne l'Harmonie des langues, un recueil de textes et de correspondance du philosophe des monades édité par Marc Crépon. Une partie seulement de ces écrits est traduite de l'allemand, une autre du latin, la correspondance est en français, langue diplomatique et intellectuelle de l'époque, dans laquelle Leibniz était aussi à l'aise qu'avec le latin, bien plus qu'avec son allemand maternel.
Diplomate, espion, sorte de Casanova non misanthrope aimant aussi bien Dieu que les femmes, en quête de l'un dans les autres et vice versa, biographe, bibliophile, conseilleur de princes, confident de princesses, joueur de cartes, loyal protestant tenté par le catholicisme et néa