Si Marc Richir était un marin, il ferait des traversées en solitaire et, contre vents et marées, hisserait haut un pavillon de corsaire où, en guise de tête de mort, figurerait le beau visage, barbichette et petites lunettes, d'Edmund Husserl. Mais il est philosophe, et physicien de formation: aussi dira-t-on que, sans revenir à une quelconque orthodoxie doctrinale, il prône un retour «aux problèmes et questions phénoménologiques» qui se sont posés à Husserl, avec l'ambition d'assurer de «nouvelles fondations pour la phénoménologie». Dans la collection «Krisis» qu'il dirige chez Millon (où ont été accueillis, outre Schelling ou Husserl lui-même, des auteurs tels qu'Eugen Fink, Jan Patocka, Ludwig Binswanger, Erwin Straus"), Marc Richir, professeur à l'Université libre de Bruxelles, publie aujourd'hui Phénoménologie en esquisses, dernière «tranche» mais le chantier est ouvert de travaux entrepris il y a plus de vingt ans (1) pour «libérer l'accès aux analyses concrètes de Husserl», qu'auraient encombré les gravats de la métaphysique.
Contrairement à la psychologie dont Husserl dit qu'elle est la science des «données de fait», des événements réels qui, comme les sujets qui les vivent, appartiennent au monde spatio-temporel la phénoménologie est une science des essences (eidétique), qui exige d'abord une «suspension du jugement» (épokhé) et n'est possible que par une «réduction eidétique», laquelle a justement pour fonction de «purifier» les phénomènes psychologiques de l