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Libération
Critique

Cynique ta mère.

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Une anthologie du french-rap qui tente à tout prix de le faire rentrer au rayon poésie.
publié le 9 mars 2000 à 22h58

La bonne idée que de soumettre à l'épreuve de la lecture des textes

de chansons rap. Puisqu'ils y résistent. En revanche quelle est cette mauvaise honte qui prétend que la chanson, malgré Gainsbourg («un art mineur»), est «un des beaux-arts»? Les aèdes récitaient en musique et Villon parlait l'argot des coquillards, argumente Jean-Claude Perrier. Et alors? La poésie et la littérature ne se sont-elles pas depuis constituées en genres autonomes? Villon s'adressait-il aux «gamins nés dans la cour des miracles»? Et surtout, quel mal y aurait-il à jouir d'un divertissement qui ne serait pas estampillé «art»? Le familier et l'édifiant ont aussi leur place dans la vie. En voulant faire à tout prix rentrer le rap dans la poésie, on refuse d'abord de penser la modernité et on avoue ensuite une sorte de mépris maladroit. Proust, simple et funky, le disait déjà: «L'idée d'un art populaire comme d'un art patriotique, si même elle n'avait pas été dangereuse, me semblait ridicule. S'il s'agissait de le rendre accessible au peuple, en sacrifiant les raffinements de la forme ("), j'avais assez fréquenté de gens du monde pour savoir que ce sont eux les véritables illettrés, et non les ouvriers électriciens.»

Décidément peu proustien, Jean-Claude Perrier conclut dans un élan patriotique délicieusement suranné: «la France est depuis la nuit des temps un pays de métèques, sa langue métisse, et sa littérature plurielle. (") elle possède une sorte de génie propre dont elle se doit de faire don géné