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Critique

La place du mort. Sur la mort, sur sa nécessité, sur son abolition: un ouvrage posthume du fondateur de la thanatologie et un essai de deux spécialistes du vivant. Louis-Vincent Thomas, Les chairs de la mort, Préface de Jean-Marie Brohm, Les empêcheurs de penser en rond, 572 pp., 130 F. André Klarsfeld et Frédéric Revah, Biologie de la mort, Odile Jacob, 290 pp., 140 F.

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publié le 9 mars 2000 à 22h57

Pourquoi mourons-nous et comment? Cruelle, injuste, fatale, mais

tellement nécessaire à la vie, la mort. Ne fait-on pas d'ailleurs commencer l'humanisation par la pensée de son existence, et de son utilité biologique, sociale, métaphysique? Pourtant, elle n'est pas si inhérente à la vie que ça, la mort, si elle résulte plus du hasard ou de la paresse de l'évolution que des lois de la nature, et si on peut désormais en repousser l'échéance de beaucoup sinon indéfiniment. Après avoir marché de conserve, les sciences de l'homme et les sciences tout court s'opposent de plus en plus au sujet de la mort, comme le montrent, dès leurs titres, les Chairs de la mort de l'anthropologue Louis-Vincent Thomas (1922-1994) et Biologie de la mort des neurobiologistes André Klarsfeld et Frédéric Revah. Le premier ouvrage, posthume, vient récapituler les vues du théoricien de la thanatologie alors que le second fait le point sur le travail et le sens de la mort au coeur des sciences du vivant.

Cofondateur, puis président, de la Société française de thanatologie en 1966, Louis-Vincent Thomas a consacré sa vie à la mort. L'Afrique noire ! où la mort est tenue en respect mais en faisant aux morts une place bien à eux parmi les vivants ! a joué un rôle fondamental dans sa démarche comparatiste. Spécialiste des Diola, petite ethnie du sud du Sénégal, il a vécu vingt ans à Dakar jusqu'à sa nomination à la chaire d'anthropologie et de sociologie à la Sorbonne en 1968. Refonte de ses articles les plus