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Critique

Pourquoi tu touches? Pour François Roustang, il faut cesser de croire à l'invisible royaume de l'intériorité psychique qui diffère la confrontation, ou le contact, avec l'autre et le monde. François Roustang, La fin de la plainte, Odile Jacob, 256 pp., 140 F.

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publié le 9 mars 2000 à 22h57

Si ce qu'il a, il peut le perdre, alors l'homme n'a que quatre sens.

Car s'il peut perdre la vue, le goût, l'ouïe ou l'odorat, il ne peut manquer de toucher. Toucher ne se réduit pas à ce que la main, ou le pied ou l'épaule, appréhende, palpe, tâte, teste, frôle, brise ou caresse. Toucher, c'est être au monde, et on ne saurait être au monde sans une enveloppe corporelle par laquelle nous touchons le monde et à travers laquelle le monde nous touche. Tout ce qui arrive, d'ailleurs, arrive en touchant: les images frappent la rétine, les bruits cassent les oreilles et les fragrances chatouillent les narines... Aussi n'y a-t-il pas un sens séparé qui serait le toucher, pas plus, si l'organe est toujours partie spécifiée d'un tout, qu'il n'y a d'organe du toucher: c'est avec le corps entier que nous touchons. Et l'âme alors, qu'est-ce que c'est? Eh bien, si elle était quelque chose, elle serait l'acte de toucher, le corps touchant ou le corps touché ­ par un mot d'amour, une injure, le bleu du ciel, une séparation, un refrain, l'odeur de naphtaline des armoires d'antan. Ainsi, elle ne pourrait plus être distincte du corps.

Dans la Fin de la plainte, François Roustang plaide pour une telle réconciliation, voudrait, en suivant la tradition chinoise, que l'on se bornât à distinguer le corps vivant et le cadavre, et donc que l'on cessât de croire que dans ce corps vivant se trouve l'invisible royaume de l'«intériorité psychique». Mais si «la psyché n'a en elle-même aucune réalité», qu