Cotonou (Bénin), envoyée spéciale.
Il y a bien une chose qui blesse Agnès Adjaho: qu'on la traite de «libraire pour bourgeois». Un jour, une journaliste l'a présentée comme telle «parce que je lui avais raconté, entre autres, que je vendrais certainement ici deux coffrets Tintin à 800 francs pièce». Cette image d'une horrible capitaliste vendant des ouvrages luxueux dans un océan de misère est toujours en travers de la gorge de la directrice de la librairie Notre-Dame, elle qui se réjouit de voir les conducteurs de «zems», les taxis-motos de Cotonou, venir prendre le frais dans les rayons climatisés. Cette librairie, toute de baies vitrées, de grands piliers en bois sculptés et d'escaliers, elle l'a voulu «belle, mais pas trop chic, pour que tout le monde puisse y venir».
Tout le parcours d'Agnès Adjaho s'oppose à une pratique élitiste du métier de libraire. En prenant la tête, en 1986, de l'ancienne procure des missions catholiques pour la transformer en librairie générale, cette catholique pratiquante a un objectif clair: «Faire en sorte que la librairie soit un instrument de développement culturel. Fournir des outils de réflexion, des outils pratiques, des outils d'éducation et de formation.» Immense défi. Dans son pays, le Bénin, un des plus pauvres d'Afrique de l'Ouest, le taux d'analphabétisme avoisine les 70%. Depuis l'époque de ses études de géographie à Paris, elle milite pour le développement du tiers monde. De retour au pays, elle s'engage aux côtés de l'archevêque