Salonique (Grèce), envoyée spéciale.
On pousse la porte de la librairie Molho, à trois pas du vieux port de Salonique, et le monde s'étale devant vous: littérature française, magazines dans toutes les langues, rares éditions scientifiques en allemand, toute la bibliographie anglo-saxonne et les éditions grecques. Les clients viennent ici de tous les Balkans, les universitaires de la diaspora grecque passent leurs commandes via I'Internet et la fine fleur des intellectuels de Salonique en font leur refuge. La librairie, créée par un juif séfarade, Isaak Molho, sous l'Empire ottoman, il y a plus d'un siècle, reste encore aujourd'hui l'unique «fenêtre sur l'Europe» dans cette ville du nord de la Grèce, xénophobe et pliée plutôt sur elle-même.
Isaak Molho installa sa librairie en 1888 dans la rue Sabri-Pacha en face de l'Alliance israélite universelle. Salonique est alors un des principaux centres commerciaux de l'Empire ottoman et ses 100 000 sujets juifs, séfarades en majorité, jouissent de pleins droits politiques et agissent en toute liberté. Ils fondent plusieurs écoles étrangères, tiennent les rênes du commerce et s'affairent dans une atmosphère moderniste et cosmopolite. Isaak Molho meurt de phtisie et son jeune frère Mair reprend l'affaire. Il devient représentant exclusif d'Hachette-Paris, ainsi que le correspondant de ses filiales de Londres, Leipzig ou Milan.
En 1912, Salonique est libérée par l'armée grecque et la Grèce se dessine des nouvelles frontières. Le jeune li