«A toute époque, il m'a semblé qu'un frère se cachait en chacun des
hommes que je rencontrais», écrit Lou Andreas-Salomé dans Ma vie (1). Sa conception de la «fraternité» est si subtile qu'il est en effet malaisé de tracer, dans toutes les étoiles qui ont formé sa constellation, une ligne bien droite qui séparerait les amis des amants, les camarades et les pères, les proies et les victimes de la passion. Elle eut, pour Freud, une admiration sororale, pour Rilke un amour véritable, pour Nietzsche de l'enthousiasme. Tous les autres, à son contact, se sont enrichis, dépris d'eux-mêmes, ou brûlés: mais chacun à sa manière.
Paul Ree Philosophe, auteur d'un recueil d'aphorismes, Observations psychologiques, et d'un grand livre, De l'origine des sentiments moraux (1877), il incarne, en apparence, un parfait équilibre d'intelligence et de gentillesse: affable, moqueur, il est en réalité toujours attentif à cacher sa profonde mélancolie et la «haine» d'être juif qu'il se portait. Il avait toujours sur lui une fiole de poison. Avec Mlle Salomé, il vit, mieux que son ami Nietzsche, l'expérience du «ménage à trois». Quand il se sépare de Lou, qu'il voulait épouser, il recommence des études, et devient médecin des pauvres à Munich. En octobre 1901, il se jette, ou tombe, d'une falaise, et meurt noyé dans l'Inn.
Friedrich Carl Andreas L'éternel mari de Lou. C'est un homme très réservé, professeur de langues orientales, un grand savant, expert en histoire, en sciences naturelles, en archéolo