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Libération

Riche et célèbre. La méthode Ernaux est fiable.

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publié le 23 mars 2000 à 23h22

Il est probable maintenant qu’Annie Ernaux ne s’arrêtera plus. Elle continuera de dire froidement la vérité, voie tracée, voix trouvée, croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer. Elle est entrée au couvent de ce qu’elle a appelé «l’écriture plate» avec la Place (1984), le livre sur son père où elle a fait ses adieux au roman.

L'Evénement est le récit de son avortement en janvier 1964, elle a 23 ans, elle est étudiante à Rouen. Passage Cardinet à Paris, une faiseuse d'anges lui enfonce une sonde dans le sexe. «Il y a eu une douleur atroce.» Auparavant, Annie Ernaux a détaillé les étapes du cauchemar et les étapes de son texte, elle procède toujours comme ça, avec une sorte de détermination politique: elle oeuvre dans la transparence. Sa propre histoire, recréée à travers la prose, est offerte en partage, comme un document qui transcenderait l'individualité à force d'intimes précisions.

Cela ne va pas sans audace maximale dans le trivial, l'écriture plate ayant bon dos. Evocation de la toute-puissance maternelle: «J'étais sûre qu'elle surveillait mes slips tous les mois en triant le linge sale que je lui apportais à laver.» Au moment où si on osait, on serait au bord d'en avoir légèrement par-dessus la tête de la littérature d'Annie Ernaux (trop irréprochable et trop peu recommandable à la fois, trop violente dans sa simplicité), Annie Ernaux explique tout bien: «(Il se peut qu'un tel récit provoque de l'irritation, ou de la répulsion, soit taxé de mauvais goût.