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Interview

Roddy Doyle, une histoire Sinn Féin.

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Des débuts enthousiastes et sanglants de la révolution irlandaise aux premiers désenchantements d'un «working class hero». Rencontre à Dublin avec Roddy Doyle, autour de «la Légende d'Henry Smart».
publié le 23 mars 2000 à 23h22

Au début de la Légende d'Henry Smart, il y a tout ce qu'il faut pour faire un bon roman populaire. Le héros commence son existence au début du siècle dans les taudis misérables de Dublin, il survit miraculeusement aux maux qui déciment les enfants du lumpenprolétariat et s'élève tout seul. A distance de sa mère qui s'assomme à coup de gin entre deux grossesses, et de son père, killer et videur dans un bordel («J'aimais l'odeur de bête et de sang que dégageait l'étoffe qui me dorlotait à présent ­ j'ignorais que j'inhalais là des années de violence et de meurtre»).

Apothéose de cette première partie, Henry se fait dépuceler par son institutrice et rejoint les insurgés qui occupent la Grande Poste de Dublin, le jour de Pâques 1916: «Un gâchis de chair et de merde sur la chaussée. Nous poussâmes des vivats, flanquâmes de bonnes claques dans le dos de nos voisins immédiats. Jamais auparavant je ne m'étais senti aussi lié à quiconque.»

Jusque-là, Henry Smart ressemble à Gavroche, et sa légende à une fresque socio-historique. Roddy Doyle retrouve la force de The Commitments et Paddy Clarke ah, ah, ah!, quand Henry Smart descend de sa barricade et plonge dans la clandestinité pour lutter contre l'occupant anglais. Recruté par les nationalistes, transformé en commis voyageur de la révolution, il sillonne l'Irlande à bicyclette, entraîne les fils de paysans à la guérilla et exécute les traîtres avec un égal enthousiasme. Mais comment un révolutionnaire irlandais peut-il se reconvertir