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Libération
POUR MEMOIRE

Delibes, le feu sacré.

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Après 50 livres et dix ans de silence, Miguel Delibes publie «l'Hérétique», le roman de sa ville natale, Valladolid, quand l'Inquisition envoyait au bûcher les premiers protestants: une fresque où flambent l'engagement et la force des consciences.
publié le 30 mars 2000 à 23h12
(mis à jour le 30 mars 2000 à 23h12)

Miguel Delibes va sur ses 80 ans.

Il aura toujours roulé ses cigarettes, machinalement et cérémonieusement, le papier posé sur l'index gauche à la merci d'un souffle, tandis que les autres doigts maintiennent entrouverte la blague profonde au fermoir de fer où la main droite puise des pincées de tabac noir. Dans les années 60, en Espagne, les cahiers de papier à rouler les cigarettes comportaient, intercalée à quelques feuilles de la fin, une page rouge, «la hoja roja», pour signaler que le terme était proche, qu'il allait falloir pas tarder à renouveler son stock. En 1958, Miguel Delibes publia un roman de ce titre, La hoja roja, où la feuille rouge, symboliquement sonnait l'heure de la retraite, celle de son héros, lui, Delibes, n'avait que 38 ans et la vie devant lui.

Beaucoup plus tard, en 1991, il trouva une feuille rouge dans le grand livre de sa vie, après la publication de Dame en rouge sur fond gris, il déclara à qui voulut bien l'entendre qu'il n'écrirait plus, plus de roman en tout cas, que celui-ci lui avait donné trop de mal et que l'essentiel était dit. Plus qu'une page rouge, quelques années avant, Delibes avait vécu le noir du deuil, la mort de sa femme Angeles, plus jeune que lui, inattendue, elle lui avait donné sept enfants. Miguel Delibes sombra alors dans une sombre déprime, resta muet plusieurs années et ne reprit la plume en main que pour de petits travaux de circonstances avant de tirer de sa douleur quinze ans plus tard ce livre fiévreux, strident, cet