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Libération
Critique

Jauffret comme une rosse. Une pseudo-autobiographie et des «fragments» de vie par un auteur qui travaille avec un humour très noir à décomposer le langage, le couple et les sentiments. Régis Jauffret. Fragments de la vie des gens. Autobiographie. Verticales, respectivement 332 pp., 115 F et 106 pp., 75 F.

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publié le 30 mars 2000 à 23h12

Peut-être a-t-il peur qu'on le prenne pour un sadique, qu'on lui

coure après dans la rue en lui jetant des cailloux, peut-être n'a-t-il pas envie qu'on vienne le faire chier avec des interviews, toujours est-il que Régis Jauffret préfère rédiger lui-même son dossier de presse afin d'éclairer la lanterne des journaleux. Le lecteur lambda n'ayant droit qu'à la maigrichonne quatrième de couve, nous nous faisons un devoir de lui rapporter la bonne parole. Dans ce précieux document, Jauffret compare le couple à «deux canaris enfermés à vie dans une cage pendue dans un placard à balais», s'explique sur la genèse d'Autobiographie et de Fragments de la vie des gens et prouve qu'un artiste est «une sorte de petit Christ en pantoufles».

Autobiographie, qui entretient avec une autobiographie à peu près le même rapport que Histoire d'amour (1998) avec l'amour, raconte une histoire justement assez similaire: celle d'un homme qui abuse, non pas d'une femme, mais de dizaines de femmes. Il les séduit successivement, s'installe chez elles, échange nourriture et toit contre moult coïts, à l'exemple d'un «distributeur automatique». L'équilibre de cette perverse économie ne manque jamais de se rompre, plus ou moins rapidement, ce qui permet d'intéressantes variations de rythme dans le récit. Le héros recommence alors avec une autre femme. Le cycle se modifie cependant avec le vieillissement du narrateur. Il s'associe momentanément à un enfant qui a essayé d'étouffer sa mère. Une sorte de spirale